Pfas ça veut dire quoi ? décryptage d’un acronyme aux lourdes implications pour la santé et l’environnement

Pfas ça veut dire quoi ? décryptage d’un acronyme aux lourdes implications pour la santé et l’environnement

Un nom qui ne dit rien, mais qui cache tout

PFAS. Quatre lettres, à peine un souffle prononcé, presque inoffensives à l’oreille. Et pourtant, elles pèsent comme du plomb dans le souffle de notre époque. PFAS : Per- et polyfluoroalkylées. Derrière cet acronyme technique se dissimulent des milliers de composés chimiques dont la longévité rivalise avec celle des légendes. On les surnomme même “polluants éternels”. Décryptage d’un empire insidieux, dispersé aux quatre coins de notre quotidien, qui collecte silencieusement son tribut sur notre santé et celle des écosystèmes.

Que sont les PFAS ? Petite chimie d’un grand problème

Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont une famille de plus de 4 700 composés synthétiques créés dans les années 1940. Leur particularité ? Une résistance hors norme à l’eau, aux graisses et à la chaleur. Grâce à leur composition chimique – un enchaînement de liaisons carbone-fluor parmi les plus solides qui soient – les PFAS sont quasiment indestructibles. Une aubaine pour l’industrie, un cauchemar pour l’environnement.

On les retrouve dans une multitude de produits que nous utilisons quotidiennement :

  • Casseroles antiadhésives (merci le fameux « Teflon »)
  • Vêtements imperméables, textiles techniques
  • Emballages alimentaires (comme les boîtes à pizza ou les sacs de popcorn micro-ondables)
  • Mousses anti-incendie utilisées dans l’aviation ou l’armée
  • Cosmétiques waterproof

Leur ubiquité est telle que l’on peut affirmer sans trop s’avancer : nous vivons avec les PFAS, en mangeons, en buvons et – hélas – en absorbons chaque jour. Une étude récente a même montré que les PFAS sont désormais présents dans le sang de la quasi-totalité des êtres humains testés à travers le monde.

Un poison diffus, une insidieuse omniprésence

Ce qui rend les PFAS si inquiétants, ce n’est pas seulement leur omniprésence, mais leur extrême persistance. Une fois dans l’environnement, ils s’infiltrent dans les nappes phréatiques, se concentrent dans les sols, et migrent lentement, contaminant l’eau potable, les cultures et la faune. Leur longévité approche l’infini à notre échelle temporelle.

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En novembre 2023, les rivières autour de certaines zones industrielles en France présentaient des taux de PFAS alarmants, révélant une contamination progressive mais irrépressible des milieux naturels. Les poissons, les crustacés, les coquillages, tout ce qui filtre ou respire l’eau devient vecteur de cette pollution chimique « invisible ».

Et ce n’est pas qu’une affaire de poissons ou de poison lointain. C’est une histoire intime. Celle de chaque verre d’eau, de chaque repas, de chaque vêtement porté au plus près de notre peau.

Une menace pour la santé humaine… silencieuse mais grave

Les scientifiques s’accordent aujourd’hui sur un constat alarmant : une exposition prolongée aux PFAS, même à faibles doses, peut avoir de lourdes conséquences sur la santé humaine. L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) relèvent une association entre les PFAS et de nombreuses pathologies :

  • Cancers (notamment du rein et des testicules)
  • Problèmes hormonaux (effets sur la thyroïde, la fertilité, etc.)
  • Dysfonctionnement du système immunitaire
  • Retards de développement chez les enfants
  • Tensions artérielles élevées, surtout chez les femmes enceintes

La cruauté de ces produits réside dans leur discrétion. Ils n’ont ni goût, ni odeur. Ils s’accumulent lentement dans les tissus humains, en particulier le foie et les reins, agissant comme des sabliers invisibles, dont le sable s’écoule en silence.

Peut-on les éliminer de notre corps ? À peine. Les PFAS sont tellement stables chimiquement qu’ils persistent des années avant d’être partiellement éliminés par les urines. Mais pendant ce temps, ils agissent, sournois, durables, persistants.

L’exemple poignant de Pierre-Bénite : une France contaminée

À quelques kilomètres de Lyon, la commune de Pierre-Bénite est devenue l’un des symboles tragiques de la contamination par les PFAS en France. Pendant des décennies, une usine chimique a rejeté ces substances dans l’atmosphère et les sols. Résultat : des taux de PFAS jusqu’à 200 fois supérieurs à la norme européenne ont été relevés chez certains habitants.

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“Je pensais que l’odeur sucrée sortait simplement de l’usine”, témoignait une habitante interrogée lors d’une enquête. Aujourd’hui, elle souffre d’une pathologie thyroïdienne que les médecins peinent à relier à autre chose qu’à cette exposition quotidienne. Ici, les jardins familiaux sont désormais fermés, les eaux de surface impropres à la baignade, et la confiance dans l’air qu’on respire, brisée.

Agir sur plusieurs fronts : réguler, informer et transformer

Depuis 2023, une proposition conjointe de plusieurs pays européens – dont la France, les Pays-Bas et l’Allemagne – vise à interdire l’ensemble des PFAS à l’échelle de l’Union européenne. Un chantier titanesque, qui impose de repenser certaines chaînes de production industrielles en profondeur.

Mais au-delà des lois, que pouvons-nous faire, nous, citoyens, dans cette lutte aux multiples visages ? Voici quelques pistes concrètes :

  • Privilégier les ustensiles de cuisine sans revêtement antiadhésif : l’inox, la fonte ou la céramique sont d’excellentes alternatives.
  • Être vigilant·e sur les emballages alimentaires : éviter les fast-foods et privilégier les emballages réutilisables.
  • Choisir des cosmétiques sans PFAS : parfois cachés sous des noms interminables, mais certaines applications ou labels peuvent aider à les détecter.
  • Interroger les marques et les politiques : chaque courrier, chaque email envoyé à une entreprise ou un élu compte.

Le changement ne passera pas simplement par une forme de « consommation éclairée ». Il exige de replacer nos vies dans un tissu politique et écologique, fait de rapports de forces, de droits à revendiquer et de pollutions à combattre.

Innovations et alternatives : l’espoir au bout du tuyau

Les scientifiques et les ingénieurs se penchent désormais sur des techniques prometteuses pour extraire ou neutraliser les PFAS présents dans l’eau – parmi elles, la nanofiltration, les charbons actifs ou encore l’oxydation avancée. Toutefois, ces technologies restent coûteuses et adaptées à certaines concentrations particulières.

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C’est aussi dans le secteur textile, de l’emballage et des cosmétiques que la recherche avance. Des alternatives biosourcées, biodégradables et dénuées de ce type de composés émergent – timidement. Mais l’espoir grandit que demain, les PFAS cessent d’être l’option la plus rentable pour imperméabiliser nos vies.

Et si l’on imaginait une mode durable capable de protéger notre corps sans sacrifier celui des rivières ? Et si les armées se dotaient de mousses anti-incendie neutres pour les nappes phréatiques ? Le possible existe, il faut simplement le faire basculer dans le réel.

Vers une conscience réenchantée

Les PFAS nous rappellent à quel point le progrès sans garde-fou est une conquête aveugle. Un rêve industriel qui tourne parfois au cauchemar collectif. Mais ils nous offrent aussi une boussole : celle de la résilience lucide, de la responsabilité partagée, de la science au service du vivant.

Face à cette chimie des origines modernes, il nous faut une alchimie du courage : oser remettre en question nos usages, nos industries, notre confort même, pour renouer avec ce que la planète a de plus précieux – l’eau pure, l’air limpide, le corps sain.

Parce que derrière chaque acronyme, il y a une histoire. Et derrière celle des PFAS, il y a la nôtre. Celle que nous devons désormais réécrire – une molécule après l’autre.