Où trouve t'on des pfas ? enquête sur leur présence dans notre quotidien et les risques associés

Où trouve t’on des pfas ? enquête sur leur présence dans notre quotidien et les risques associés

Les PFAS : éternels comme l’oubli

On les appelle les « polluants éternels ». Une formule qui sonne comme une malédiction antique, gravée dans le plastique de nos vies modernes. Les substances per- et polyfluoroalkylées – plus simplement PFAS – sont là, invisibles, silencieuses, persistantes. Présentes partout, ou presque. Mais où exactement se cachent-elles ? Et que risquons-nous vraiment à vivre entourés de ces spectres chimiques ?

Cet article est une promenade lucide – et parfois inquiétante – dans l’intimité de notre quotidien. Un peu comme soulever les coins du tapis pour découvrir ce que l’on préférait peut-être ne pas voir. Mais c’est aussi un appel à la vigilance, une invitation à mieux comprendre pour mieux choisir, mieux agir.

Les PFAS : qu’est-ce donc que ces molécules fantômes ?

Les PFAS regroupent une famille de plus de 4 700 composés chimiques synthétiques utilisés depuis les années 1940 pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes et résistantes à la chaleur. Leur structure – un enchaînement d’atomes de fluor et de carbone – leur confère une stabilité chimique exceptionnelle, presque indestructible. Voilà pourquoi ils persistent dans l’environnement… et dans notre sang.

Mais leur force est aussi leur faiblesse : ces molécules, une fois libérées, ne disparaissent (presque) jamais. Elles s’accumulent, irriguent les rivières, s’infiltrent dans les nappes phréatiques, se glissent dans nos organes. Leur omniprésence n’est pas un hasard : elle est l’héritage d’un mode de vie que nous avons trop longtemps cru sans conséquences.

Dans notre cuisine : l’assiette empoisonnée

Le téflon. Ce mot est presque poétique à l’oreille, synonyme de facilité, de plats qui glissent sans effort. Pourtant, c’est un piège brillant. Le revêtement antiadhésif de nombreuses poêles et casseroles est l’un des principaux vecteurs de PFAS dans nos foyers. À haute température ou si la surface est rayée, de minuscules particules peuvent se détacher et contaminer notre nourriture.

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Et que dire des emballages alimentaires ? Certains papiers en apparence anodins – ceux qui résistent aux graisses, comme les sachets de fast-food ou les boîtes à pizza – sont traités avec des PFAS. Manger à emporter prend alors un tout autre goût.

Dans notre salle de bains : la beauté contaminée

Les PFAS ont infiltré nos rituels de soin. Mascara longue tenue, fond de teint waterproof, rouges à lèvres résistants… Tous vantent une tenue extrême. Et pour cause : ils contiennent parfois des PFAS, qui repoussent l’eau et prolongent l’éclat. Une performance fragile, derrière laquelle se cache une exposition insidieuse.

Les crèmes solaires, déodorants, lotions hydratantes peuvent aussi être concernés. L’industrie cosmétique, avide de formules toujours plus performantes, a longtemps utilisé ces substances sans vraiment se soucier de leurs effets sur le corps et la planète.

Dans nos vêtements : à fleur de peau

Dans ce que nous portons, les PFAS sont les couturiers muets de l’imperméabilité. Vestes de pluie, chaussures outdoor, textiles techniques… nombreux sont les articles traités avec des fluorocarbures pour résister à l’eau, aux taches, à la saleté.

Même certains habits pour enfants en sont imprégnés, comme si l’innocence avait besoin d’une barrière chimique. Chaque lavage, chaque contact avec l’eau peut relâcher ces composés dans nos machines, puis dans les eaux usées, et enfin… dans les rivières, comme une pluie invisible.

Dans notre maison : à chaque recoin, leur empreinte

Canapés, tapis, rideaux… Les traitements antitaches ont, eux aussi, souvent recours aux PFAS. Leur toucher soyeux cache un mélange peu rassurant. Même les mousses anti-incendie, utilisées dans certains systèmes domestiques ou dans les aéroports proches de zones habitées, sont une source majeure de contamination des sols et des eaux.

Et l’air que nous respirons dans nos intérieurs ? Il n’est pas exclus. Car les PFAS peuvent se fixer aux poussières domestiques, voyageant dans la lumière dorée d’un rayon de soleil matinal, presque poétiquement tragiques.

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Dans notre assiette : l’eau, le poisson… et le reste

Des études récentes ont montré la présence de PFAS dans l’eau potable de dizaines de millions d’habitants à travers le monde. En France, certaines régions, comme l’agglomération lyonnaise, ont vu leur réseau d’eau contaminé par des rejets industriels contenant du PFOS et du PFOA – deux PFAS tristement célèbres.

Les PFAS s’invitent aussi dans les poissons, surtout ceux des eaux douces voisines de zones industrielles. Et, par cette chaîne alimentaire aussi invisible que puissante, ils atteignent notre organisme avec la constance obstinée de l’oubli.

Des risques pour la santé : quand l’invisible devient symptôme

Les scientifiques sont de plus en plus nombreux à tirer la sonnette d’alarme. Exposition prolongée, même à faibles doses, peut entraîner :

  • des perturbations endocriniennes
  • une réduction de la fertilité
  • des troubles du système immunitaire (baisse de l’efficacité des vaccins, par exemple)
  • une augmentation du cholestérol
  • un risque accru de certains cancers, notamment des reins et des testicules

Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a classé l’acide perfluorooctanoïque (PFOA) comme potentiellement cancérogène pour l’homme. Et bien que certains PFAS aient été interdits, la famille chimique continue de s’agrandir, avec de nouveaux cousins synthétiques qui échappent encore souvent aux régulations.

Peut-on (encore) s’en protéger ?

Respirez. Il y a de l’espoir – et des actions à entreprendre dès aujourd’hui. Car bien que les PFAS soient omniprésents, nous pouvons choisir de limiter notre exposition. Voici quelques gestes essentiels :

  • Privilégier les ustensiles de cuisine sans revêtements antiadhésifs fluorés (inox, fonte, céramique…)
  • Lire les étiquettes des cosmétiques – éviter les produits contenant les termes « fluoro », « PTFE », « perfluoro »
  • S’orienter vers des vêtements labellisés sans PFAS, ou non traités
  • Filtrer l’eau du robinet avec des systèmes certifiés pour l’élimination des PFAS (charbon actif, osmose inverse…)
  • Manger bio, local lorsque possible – certains modes de culture réduisent le nombre de polluants environnementaux dans la chaîne alimentaire
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Et surtout : poser des questions. Exiger la transparence. Car chaque demande de vérité fait trembler un silence.

Mobilisation citoyenne : des luttes qui résonnent

Derrière les données scientifiques, il y a des visages. Celui d’Emmanuelle, mère de famille de Pierre-Bénite, qui refuse que ses enfants boivent une eau qu’elle pense contaminée. Ou celui de Michel, pêcheur de rivière en Ardèche, qui ne reconnaît plus les poissons d’autrefois. Car les PFAS, ce n’est pas qu’une histoire de chimie : c’est un récit profondément humain.

Partout dans le monde, des citoyens, des associations, des journalistes se mobilisent pour dénoncer, mesurer, contraindre. L’Union Européenne envisage d’interdire l’usage de nombreux PFAS, dans un élan de responsabilité collective. Des procès éclatent, des industriels sont confrontés à la question qu’ils redoutaient : « Saviez-vous ? ».

Réenchanter le quotidien : habiter l’instant avec conscience

Refuser les PFAS, ce n’est pas refuser le confort. C’est redéfinir le luxe. Le vrai. Celui d’une eau pure. D’un corps non saturé de substances mystérieuses. D’un enfant qui court dans une prairie en pleurant de rire, non parce qu’il est protégé par un tissu fluoré, mais parce que son monde est encore habitable.

Changer de casseroles, filtrer son eau, boycotter certains produits… Cela peut sembler minime. Mais chaque geste est une déclaration d’amour à notre peau, à notre terre, à ce silence vivant qu’est l’environnement.

Et si nous prenions soin de notre monde comme d’une vieille chanson qu’on fredonne sans y penser, mais qui, en vérité, nous a toujours tenus debout ?

Face à l’invisible, choisir d’ouvrir les yeux est un acte radical. Et parfois, profondément poétique.